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Du "bon antiracisme"...


"Armons-nous, citoyennes!" (©Peggy Fargues)

Où le recyclage s'avère nécessaire, après lecture du coup de gueule de Loïc Céry à propos d'une "série criminelle" tournée à la Martinique, apparemment une resucée de tous les clichés à propos de nos pays (nos "îles" comme dirait le Voldemort moyen... (Je vous renvoie au texte de Loïc Céry) J'avais écrit ce texte pour une rencontre à Avignon en 2015, mais il n'avait pas été possible de le lire. Pas le temps. Précision : le texte est au féminin général.

Donc, parler du poids du racisme dans le milieu culturel.

Quelles formes prend, à mes yeux, le racisme dans les milieux culturels, sur les plateaux de théâtre et les plateaux de danse, dans l’art plastique ou la musique ?

Je parlerai théâtre et musique, en vous proposant d’imaginer ensemble une situation, afin de vous permettre de vous balader dans ce que nous, femmes (et hommes) noires, vivons.

Imaginons un lieu culturel, ne le nommons pas précisément. Ne le nommons pas car il nous faut travailler, il nous faut accepter de travailler sur le général, c’est l’un des aspects que je revendique : la généralisation. C’est un mode de réflexion généralement banni, il ne faut pas généraliser. Hé bien si, généralisons un peu pour faire l’effort de se mettre dans le lot.

Nous avons besoin de penser à un lieu que nous pouvons généraliser parce que l’une des défenses des racistes consiste à individualiser les rapports, - « mais toi, tu n’es pas comme les autres Noires »- à singulariser une ou deux individues, à se singulariser soi-même, - « moi, je ne suis pas raciste »-– « c’est telle qui a eu telle ou telle attitude, pas moi»- en s’exonérant de ce fait de la marque d’un racisme très généralement répandu, que chacune contribue, par son silence, par son exonération personnelle, par la revendication d’une spécificité pour soi, que chacune contribue donc à laisser se développer.

En effet, si chacune peut s’affirmer non raciste, si chacune peut individuellement revendiquer qu’elle est une adversaire résolue du racisme, où se trouvent les racistes ? – si ce n’est dans une sorte de masse informe de personnes brutales à la pensée grossière, qui se retrouvent dans le camp de l’extrême droite -, si, en somme on sous-entend qu’il n’y a pas de racisme dans ce milieu particulier du spectacle, n’est-ce pas là une façon de renvoyer celles qui se disent confrontées au racisme au sein de ce monde, à une accusation de mensonge, à une susceptibilité exagérée, à une paranoïa ?

Vous avez franchi, avec nous, la première étape : vous venez de découvrir de quelle manière le refus de s’affronter au réel fait que le doute vis-à-vis de nos observations nous renvoie à ces trois termes régulièrement reçus en réponse à nos revendications : mensonge, susceptibilité, paranoïa.

Imaginons que dans ce lieu, se trouve une directrice et une équipe - car il est injuste de ne viser que les directrices quand l’équipe est tout aussi concernée car elle contribue à faire perdurer l’inacceptable – donc un lieu, une directrice et son équipe, qui, impatientes de démontrer qu’elles ne sont pas racistes et que donc, elles programment des spectacles qui parlent des Noires, ou des spectacles dans lesquels il y a des Noires, décident de programmer une pièce sur, allez ! sur Joséphine Baker, mise en scène par une femme blanche, pièce à laquelle elles convieraient des Noires en leur certifiant qu’elles ont choisi de parler de Joséphine Baker afin de donner une autre vision de sa vie, une autre approche d’elle car, entre autres, il est important de savoir que Joséphine Baker fut une résistante et quel rôle elle a joué dans la libération de la France. L’exemple vaut également pour Nina Simone, par exemple.

Vous venez de franchir une deuxième étape : une autre que nous choisit quelles icones nous représentent et mène, en solitaire, sans penser à nous y associer, une réflexion sur l’histoire de notre présence sur les plateaux de France.

Imaginons que les spectatrices noires ne viennent pas assister à cette pièce.

Que diront la directrice et son équipe ?

Qu’on fait des pièces pour elles et qu’elles ne viennent même pasles voir, qu’elles ne comprennent même pas ce qu’on essaie de changer dans le regard de la société française sur l’histoire et la place des Noires dans la société.

Il faut reconnaître qu’on ne sait pas sur quel pied danser avec elles !

Vous venez de franchir une troisième étape : le fait qu’on nous oppose que notre public ne se déplace pas au théâtre – les Noires comme nous – et pour le public, vous venez de réaliser qu’il existerait un public de Noires à qui il conviendrait d’offrir des spectacles spécifiques. Ce qui évite, par la même occasion de s’interroger sur la qualité artistique des créations proposées à ce public.

Proposons une autre lecture.

Si cette directrice et son équipe avaient donné la parole à la comédienne noire recrutée pour jouer Joséphine Baker – je fais de cette comédienne un personnage qui ne cherche pas à plaire à unE metteurE en scène au-delà de l’éventuel malaise qu’elle peut ressentir, ose dire ce qu’elle pense et n’est pas dans la crainte qu’on ne renouvelle pas son contrat ou qu’on ne la rappelle pas pour une autre pièce -, cette directrice et son équipe auraient peut-être appris que cette jeune femme se posait justement la question de la place de la femme noire sur les plateaux de théâtre et que sur l’histoire de Joséphine Baker, elle en connaît un rayon, qu’elle serait à même d’écrire la pièce, d’en faire la mise en scène, et qu’elle aborderait la question de la vie de Joséphine Baker sous un tout autre angle : celui, par exemple, de la nécessité, pour les NoirEs, de revêtir un masque pour parvenir à subsister, en tant qu’artiste noirE, dans une société organisée sur le principe des « races ». Masque qui est encore d’usage aujourd’hui !

Vous franchissez la quatrième étape : la minimisation de nos compétences et quelquefois même une posture intellectuelle qui fait qu’on ne suppose même pas qu’une telle réflexion, complexe, puisse exister chez une comédienne noire. À moins qu’elle ne s’efforce de faire le chien savant pour démontrer, réaffirmer en permanence que, vous savez, je suis allée à la fac, j’ai fait de la recherche…etc… Sans compter que la recherche sur les NoirEs, ça demeure quand même assez confidentiel.

Partant, elle parlerait peut-être de la présence de ce thème dans la poésie et la littérature africaine américaine, dans les arts plastiques également, elle aurait peut-être une réflexion sur le blackface et le nouveau concept de whiteface utilisé par les africaines américaines contemporaines, - alors, ici, quelqu’une m’a dit, tu devrais expliciter, c’est quoi blackface et whiteface, mais aujourd’hui, j’ai juste envie de répondre : je vous laisse chercher, car cette recherche confidentielle vous fera plonger dans un océan de connaissances qui ne peut que nous être salutaire, à toutes – (je poursuis), ma comédienne aurait, imaginons toujours, fait un travail sur l’apport de la culture noire à la scène américaine et à la scène française.

Elle aurait aussi sans doute parlé de la relation particulière qu’entretient la France avec les États-Unis, entre fascination et volonté de marquer sa différence, de la relation de certaines françaises avec les Noires américaines, artistes et romancières, à cette époque – années 30 à 60 - et du ressenti de James Baldwin, par exemple, qui, vivant dans le sud de la France, observait les noirEs antillaisEs et analysait comment elles étaient traitées différemment des noirEs américains, comparant ce fait à la façon dont, dans le Sud des États-Unis, on l’appréhendait différemment dès que l’on réalisait qu’il n’était pas un Noir du cru, mais un Noir possédant un passeport ayant été établi à Paris.

La cinquième étape que vous venez de franchir, sans vous en apercevoir, est liée à la quatrième, cependant, on y ajoute un élément : le racisme, c’est aux États-Unis, dans un ailleurs doublement marqué par la distance et par le temps. Le racisme des États-Unis d’autrefois… On peut élargir le corpus à L’Afrique du Sud. C’est un schéma qui se décline à l’envi…

Et pour les spectatrices, elles viennent d’être privées d’une création d’un tout autre genre, à partir d’une tout autre perspective historique et artistique, elles viennent de passer à côté d’une narration différente.

Le directrice/metteure en scène et son équipe auraient peut-être appris que cette jeune femme disposait de tout ce matériau, mais voilà, elles ont conçu sa présence comme une représentation extérieure, une fausse représentation – et même pas théâtralisée, mais reproduisant le réel – d’une Joséphine Baker qui elle-même était déjà une image fausse à destination de celles qui désiraient la voir comme il convenait qu’elle soit vue par elles.

Cependant, je ne veux pas signifier qu’une metteure en scène française, blanches (non, n’hésitons pas à mettre tout cela au féminin) serait incapable d’une telle réflexion. Ce serait faire preuve d’un essentialisme tout aussi dangereux et répréhensible, qui est la marque du racisme, précisément.

Mais je maintiens mon exigence de généralisation, car il me paraît nécessaire que chacune se confronte à ce gros mot : raciste. Que chacune se pose la question : serais-je raciste ? Dans quels aspects de ma vie ? À quel degré ? Certaines se disent déjà – ah, je l’entends, je l’entends ! – mais ce n’est pas du racisme, c’est la marque de l’ignorance, la marque de la bêtise, la marque de la prétention d’une individue peut-être, mais ce n’est pas du racisme.

Nous, nous disons que tout ce comportement, cette minimisation qui, dans les esprits les plus grossiers, se résume en : les Noirs sont moins intelligents, ils n’ont pas notre culture, ils n’appartiennent pas à la même civilisation que nous, ils ne sont pas entrés dans l’Histoire, se décline avec moins d’évidence chez ma directrice et son équipe, mais tous ces comportements s’abreuvent à la même source. Il faut remonter à la source et s’atteler à traquer dans la société, dans ce milieu culturel dans lequel nous évoluons, les comportements, les raccourcis, les attentes, les sous-entendus, les silences, les doutes, les représentations graphiques, les minimisations qui sont la marque de la minoration d’une partie de la population de ce pays.

J’ai choisi de forcer le trait afin de m’interroger sur le problème de la représentation des Noires sur les plateaux de théâtre : elle ne se situe pas uniquement dans la présence ou non de Noires sur les plateaux, elle touche également à la narration, au point de vue du narrateur, et pour certains, et pour beaucoup, la narration pose un réel problème. Pour d’autres, le fait que nous présentions notre narration de l’histoire et du quotidien tel que nous le ressentons et le vivons, est parfaitement inacceptable et inaudible.

Revenons à notre fiction de départ : peut-être que la comédienne, belle, longue, fine, aux cheveux suffisamment longs pour être plaqués à la manière de Joséphine Baker, à la peau noire mais allez, osons le mot à leur manière "noire claire" ou "marron", dorée et luisante, à la courbe des fesses suffisamment haute pour avoir cette cambrure, cette chute de reins, en un mot, ce cul, et là, vous venez de franchir la sixième étape : vous assistez aux stéréotypes à propos du corps des femmes noires. Mais nous ne sommes pas que des culs ambulants, nous sommes aussi de bonnes grosses doudous noires ou maintenant des filles de banlieue, bien noires et bien musclées, aux tétés bien debout et qui sentent la racaille.

Mais je m'égare et ne finis pas ma phrase, peut-être donc, cette jeune femme aurait-elle osé dire cette phrase si difficile à entendre : nous ne voulons plus que vous dansiez notre tambour à notre place !

Qu’est-ce que signifie cette phrase ?

Nous assistons et nous assisterons encore davantage, dans les années qui viennent, par un effet de rebond lié à nos protestations, à la prise en charge de notre histoire par d’autres, qui se sentent plus légitimes que nous pour la transposer dans leurs codes, avec le désir de la rendre universelle, c’est-à-dire exprimée dans un code spécifique ayant été déterminé de longue date, reposant sur une tradition artistique et culturelle qui n’est pas forcément celle dans laquelle nous nous reconnaissons.

De plus, ces créatrices – autrices, metteures en scène, programmatrices, directrices de salles – disposent d’un accès aux ressources et au pouvoir dont nous sommes tenues éloignées. Elles ont donc toute latitude pour décider de qui va parler, de quel sujet, de quelle manière et à quel moment.

Elles disposent donc du pouvoir de nous refuser la parole, tout en prenant en considération nos revendications, nous ôtant, de ce fait, la possibilité d’exprimer nos questionnements, nos propositions artistiques, nos aspirations.

Cet aspect est particulièrement sensible.

Il est directement lié à une forme de domination qui n’est pas uniquement économique et sociale mais qui touche à la pensée, à l’esprit, à l’intime et de mon point de vue, ce « remède » n’en est pas un car il remplace un racisme latent – un racisme souvent silencieux, qui fait silence sur ce que tentent d’exprimer certains artistes, un racisme qui comme un geyser surgit par poussées violentes lorsqu’il s’agit de manifester un rejet brutal de la pensée et de l’existence de l’autre, – il le remplace par un paternalisme et un maternalisme hautement intellectualisé, un pater/maternalisme justifié intellectuellement par le désir de bousculer, de changer, d’apporter sa contribution à la lutte contre le racisme, contre l’exclusion, contre la discrimination, à la lutte pour la présence de la diversité et autres balivernes du même tonneau.

Je dis balivernes parce qu’il me semble essentiel de penser que tant qu’on recouvrira les réalités de mots divers et variés pour ne pas s’affronter au simple fait que les personnes sont là, qu’elles font partie de votre quotidien, de votre futur, qu’elles contribuent et contribueront encore à la transformation de votre réel, de la même manière que vous, sur le même pied d’égalité, ce sera la marque à tout le moins d’une forme de pater/ maternalisme et au pire d’un racisme qui ne se dit pas.

J’aurais tendance à penser que les aspects économiques, le besoin de rentabilité amènent des transformations silencieuses dans le paysage : par exemple, la publicité a perçu tout ce qu’elle pouvait tirer d’une diversification des visages, des aspects, des corps, en jouant sur les différences, en les accentuant quelquefois (je pense à la publicité de Dove sur les femmes qui ne sont pas le stéréotype du mannequin anorexique). Cette démarche ne repose certainement pas sur un altruisme et une démocratisation et tout ce que nous espérons de l’avenir. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la narration, qui est consubstantielle au théâtre, c’est cette narration qui assure qu’on ne se contente pas de montrer que « vous avez vu, il y a des NoirEs dans mon spectacle ».

« Nous ne voulons plus que vous dansiez notre tambour à notre place ! », aurait dit ma comédienne.

Cette phrase peut être éclairée par un exemple précis à propos de musique et de tambours.

Certains reconnaissant, par exemple que le Gwo Ka est la musique guadeloupéenne, née de l’esclavage, sachant que la réalisation d’un Ka nécessite une formation, un rapport à la musique et aux musiciennes qui l’utiliseront – au point que des tambours sont réalisés par des maîtres, de façon spécifique, pour un instrumentiste précis, en tenant compte de la façon dont il/elle fera sonner l’instrument — sachant tout cela, ces gens trouveront moyen de se pencher par-dessus l’épaule d’un tel maître pour lui indiquer comment faire son tambour, comment le jouer et comment le danser, éliminant par là toute la sagesse et le savoir de cet artisant en usant d’un pouvoir qui leur semble absolument naturel. Celui de l’omni-connaissance. Valable pour d’autres musiques noires (le Jazz, le Blues, la Soul, la Salsa…), ainsi que pour les danses (Hip-Hop).

J’ai, malheureusement, trop souvent assisté à de telles attitudes et trop souvent recueilli le malaise de tambouyèz, danseuses, et même dans le domaine de la cuisine, de cuisinières, marmonnant dans le dos de ces personnes : « yo konnèt tout biten pasé tout moun ! » (Ils en savent toujours plus que tout le monde ! »)

J’ai parlé du Gwo Ka à titre d’exemple, de Joséphine Baker à titre d’exemplification provocatrice, mais je vise à démontrer à quel point, même en se présentant comme une amie des NoirEs, on reproduit sans s’en apercevoir ou on cherche à reproduire – et là, on en est tout à fait conscient - une domination, un pouvoir dont on n’est pas prêt à se débarrasser.

Nous sommes là au cœur des conséquences de la pensée raciste et c’est l’un des aspects les plus difficiles à combattre car il repose essentiellement sur la recherche de la bonne conscience, sur le désir de montrer qu’on est ouverte, sensible à l’existence et à la présence d’autrui et non sur une révolution radicale du mode de fonctionnement et de la place assignée à chacune dans le déroulement d’un système quasiment immuable, sauf aux marges.

Se débarrasser de son pouvoir, voici la seule, la vraie, la plus radicale des révolutions, c’est cela que nous attendons de la scène française.

Se débarrasser de son pouvoir, cela ne signifie pas qu’il faille que toutes les directions de théâtres, de CCN et de CDN passent entre nos mains !

Voilà un désir qui serait la preuve qu’on se berce d’illusions en n’ayant pas noté à quel point le cœur du pouvoir se trouve ailleurs et surtout est porté par chaque individu, en lui-même, homme et femme, de quelque couleur qu’il soit, car il consiste principalement, à faire en sorte que perdure, en chacun, une certaine visée civilisatrice digne des pensées les plus réactionnaires nées dans les accents coloniaux de la Troisième République. Pour rappel, cette phrase issue d’un documentaire sur le rôle de la colonisation et des Pères Blancs : « La France a voulu que son œuvre civilisatrice ne se traduise pas seulement dans des faits matériels, mais aussi dans le domaine intellectuel et spirituel ». Cette visée civilisatrice (notion à laquelle semble malheureusement faire allégeance l’ex-premier ministre Manuel Valls qui a laissé échapper cette notion de « guerre des civilisations »), perdure au plus profond de l’inconscient et se révèle dans les détails et pas uniquement dans les grandes déclarations provocatrices que chacun peut s’empresser de repousser parce que « ça nous ressemble si peu… »

Cela passe par une autre manière d’aborder autrui, par un dépassement de la facilité qui consiste à s’appuyer sur celles qui ne vous poseront pas problème ! Car celles-là existent également, elles sont si bien assimilées, mais pour aujourd’hui, nous les laisserons en paix.

Cela passe par le fait d’accepter d’être remis en question.

Cependant, pour ma part, je n’attends pas cette position révolutionnaire – au vrai sens du mot et non pas dans l’espoir romantique du matin d’un grand soir - uniquement des scènes françaises et de celles qui sont aux commandes, je l’attends de moi-même, je l’attends de nous-mêmes aussi, en termes de propositions artistiques. Alors, nous, les non-blancs discriminés, nous, les créatrices Noires :

  • allons-nous continuer à créer des pièces sur des « grands hommes Noirs ? », à partir de la parole d’autres « grandes voix noires ? »

  • allons-nous continuer à jouer le rôle de l’animation sociale des quartiers qui n’a pas grand-chose à voir avec une recherche artistique, y compris en contradiction avec les lieux où nous sommes amenées à vivre ?

  • allons-nous continuer à donner de nous-mêmes une image dévalorisée, stéréotypée ?

  • allons-nous continuer à accepter de jouer les guerrières africaines dans des pièces ?

  • allons-nous être capables de présenter des spectacles qui dérangent et qui ne recherchent pas l’approbation des dominants ?

  • allons-nous en rester à des relectures historiques d’épopées coloniales ?

  • allons-nous manifester à quel point nous faisons partie du monde, sommes inquiètes de l’état du monde, qu’il s’agisse de la crise, des effets que la crise en Grèce pourrait avoir sur notre quotidien ?

  • allons-nous interroger nos propres incapacités ou difficultés à faire groupe ?

  • sommes-nous capables de dépasser le désir de reproduction d’une élite bourgeoise qui nous pousse à chercher à avoir notre part d’un mode de fonctionnement, de direction, de gestion culturelle qui ne contribue pas à l’épanouissement du plus grand nombre ?

Cette attente de radicalité nous concerne toutes, elle est sociale, artistique, culturelle, politique au sens premier du terme.

Je terminerai par un mot sur la culpabilité. Une personne m’a récemment dit qu’elle ne voulait plus être culpabilisée. À quoi je lui ai répondu que sa culpabilité ne m’intéressait pas, qu’elle ne m’était d’aucun avantage, bien au contraire. Je ne cherche pas à offrir aux gens la possibilité de se réfugier dans la culpabilité. Oui, il s’agit d’un refuge. Il s’agit d’une porte de sortie qui permette de dire : pourquoi on me reproche cela à moi ? Culpabiliser un individu c’est lui offrir la possibilité de se retirer dans sa blessure et donc de s’amnistier de la lutte en commun contre une question sociale et non pas individuelle. Le risque encouru est aussi que la culpabilisation amène celui qui vous fait face à tenter de réagir dans l’urgence, dans ce mouvement de culpabilité et de faire encore une fois, des propositions mal ajustées qui ne feraient que renforcer le point de purulence. Sa culpabilité peut aussi l'amener à vous sauter à la gorge, la meilleure défense étant l'attaque. La culpabilisation ne nous est donc d’aucun secours, au contraire. Ce qui importe aujourd’hui, et pour nous toutes, c’est de regarder la plaie, en face, plaie dont nous sommes responsables ensemble, à des niveaux divers, soit que nous nous soyons retirées de la vie commune, de la lutte collective, soit que nous ayons accepté qu’ainsi va le monde, soit que nous ayons fait des propositions inappropriées à la situation.


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