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"On m'a dit que tu écoutais les femmes, alors, je suis venue..."


La première pièce que j’ai écrite était une pièce collective. Elle s’appelait Odjibi, du nom du personnage principal, et portait un sous titre… La patience a des limites. C’était en 1980 exactement, dans le cadre de la Coordination des Femmes Noires. Le thème principal était le mariage forcé et notre héroïne s’enfuyait de son village afin d’échapper à ses parents qui voulaient la marier au vieil Atangana.

Cette première expérience est pour moi pleine d’enseignements lorsque j’y reviens. Tout d’abord, ce n’était pas une pièce de théâtre classique : elle mêlait chants, danses et textes écrits ainsi que des poèmes de femmes, dont le texte Appel de Noemia de Souza, poétesse du Mozambique :

Qui aura étranglé la voix lasse

de ma sœur dans la brousse ?

Tout à coup, son invitation à l’action

s’est perdue dans le flux des jours et des nuits.

Elle ne m’arrive plus chaque matin

fatiguée de la longue marche,

kilomètres et kilomètres avalés

dans le cri éternel : Macala ! [1]

Nous venions d'horizons divers et cette création portait le sceau de nos origines diverses et de notre africanité commune. Il me semblait tout à fait normal que chants et danses fassent partie d’une création théâtrale, or, finalement, aujourd’hui, je constate à quel point cet aspect a disparu de mon écriture et de mon travail scénique.

Le deuxième aspect est l’engagement féministe de celles et ceux qui m’entouraient. Cet engagement informait tous les aspects de notre vie et c’est dans le militantisme que la culture prenait toute sa place, que l’idée d’écrire, de mettre en scène, de jouer, se justifiait d’une certaine manière.

L’engagement n’était pas une tâche sur la culture et sur l’écriture, comme elle peut sembler l’être aujourd’hui. Lorsque je repense à cette Odjibi, au contexte, à la réponse des publics à cette création, je mesure à quel point nous nous sommes éloignés de l’engagement en écriture et à quel point une certaine littérature nous renvoie le vide qui nous habite.

Odjibi n’était pas le texte de notre constat de la situation d’une femme africaine dans un village perdu, dans lequel il était tout de même possible de voir danser et chanter et donc les chants et les danses n’étaient pas décoratifs, ils étaient chants de combats et danses de colère, ils appelaient les femmes à la révolte, une révolte que nous mettions en œuvre au quotidien, en participant aux luttes pour l’amélioration de la condition des femmes en France et dans le monde, en accueillant chez nous des femmes battues, en écrivant des rubriques dans des journaux et en organisant des événements culturels dont les fonds devaient être mis au service des femmes les plus démunies.

Tel a été le cadre dans lequel j’ai écrit ma première pièce, après quelques dizaines de poèmes à la façon de Paul Éluard, de Jacques Prévert ou d’Aimé Césaire.

J’ai poursuivi, à ma manière, une écriture que je dirais féministe, même si elle n’est peut-être pas aussi clairement une écriture du combat féministe.

Je me suis plongée dans ma société guadeloupéenne et c’est à partir de cette société que j’ai tenté de témoigner de la vie des femmes : Fructueuse, Marie, Justine, Aménaïde, Renélia, Monique, Jeanne, Gilette, et même Mimilie, le personnage féminin de mon unique comédie, Confusion d’instants.

Des femmes qui ont toujours le désir de s’enfuir, qui s’enfuient d’ailleurs, comme si Odjibi avait été la matrice de toutes ces pièces et, qu’elle s’enfuyant, toutes mes héroïnes devaient avoir cette propension à la fuite.

Fructueuse, le personnage principal de Lettres indiennes rompt avec l’homme à qui elle adresse ses lettres. Mais elle est déjà partie. D’où les missives. Elle est déjà en fuite sur les routes, et depuis la Réunion, elle adresse des lettres à un homme resté où ? Paris ? La Guadeloupe ? Peu importe. Ce qu’elle affirme, c’est son désir de regarder le monde avec ses propres critères et non plus avec ceux de cet homme. Elle lui écrit, à lui qui n’est jamais nommé :

"J’en ai assez de ce regard cru qui juge, qui dissèque, analyse, cherche les solutions dans l’immédiat.

C’est étrange que je te dise cela. À toi. Tu m’as tellement habituée à cette forme de pensée… et moi, poète… Voilà, entre nous le mot était lâché. Je me sentais accessoire, distrayante peut-être… Je t ‘écoute. Je réécoute pour moi-même tes mots qui se clarifient dans ma tête et je comprends que nous sommes à des niveaux différents de notre demeure, que tu me parles du trottoir pendant que je pense à l’arrière-cour. "[2]

Cette phrase de Fructueuse est très importante pour moi. Parler de l’arrière-cour, c’est un peu comme parler de la place des femmes qui, justement, à l’époque où j’écrivais cette pièce, me semblaient encore reléguées à l’arrière-cour. Que trouve-t-on dans les arrière-cours de nos maisons créoles ? La cuisine d’abord, qui, autrefois, était séparée de la maison. Un établi en arrière-cour. L’image me paraît claire et pourtant, ce n’est pas qu’une image, c’est une réalité. Et quoi d’autre, en arrière-cour ? Le jardin créole. Encore lié à la cuisine, pour les herbes aromatiques, mais aussi à la médication. Guérir, soulager. Autre rôle des femmes. C’est dire qu’avec cette simple comparaison entre le trottoir – espace de toutes les représentations, prises de parole, espace extérieur, ouvert sur la rue, sur le public, sur la possibilité de s’engager sur les routes – et l’arrière-cour - espace de la cuisine et du jardin, de la prise en charge du corps de l’autre, en le nourrissant, en le soignant – j’ai inconsciemment exprimé ce qui sans doute me paraissait le plus marquant dans une société guadeloupéenne que je redécouvrais encore, après onze ans d’absence entre mes treize ans et mes vingt-quatre ans.

Dans Lettres indiennes, la fuite de Marie est plus immédiate, moins de distance la sépare de l’homme. Celle-ci n’a pas encore mis les mers entre son homme et elle. Mais elle erre dans les bois, non loin d’un étang, réputé pour le nombre de noyés qu’on y repêche. Un étang. La noyade est une autre fuite, une autre tentation du départ. Définitif cette fois-là. Marie rôde autour de cet étang et chante sa vie, chante son désir d’autre chose, chante à quel point sa vie présente lui est une charge.

Cependant, je trouve ces femmes assez mesurées dans leurs propos et dans leurs décisions, quelque chose en elles relève davantage du rêve. Elles s’enfuient pour se réfugier dans le rêve d’autre chose qu’elles ne concourent pas à faire advenir. Même si Marie affirme ne plus vouloir rêver, elle n’agit pas. Notre personnage, Odjbi rassemblait d’autres femmes autour d’elle, les incitait à la révolte, les villages étaient contaminés par ce premier geste d’Odjibi et ces femmes qui se retrouvaient, à la suite d’Odjibi, dans la forêt, ce sont elles qui exécutaient chants et danses de combat. Les femmes, dans mes textes, sont devenues plus individuelles. Elles mènent un combat solitaire. Oh, certes, dans Lettres indiennes, Fructueuse devient l’interlocutrice de Marie, elle lui prête une oreille attentive, mais ces deux femmes ne joignent pas leurs forces.

Je n’ai jamais retrouvé, en Guadeloupe, de lieu où militer, en tant que femme. Jamais. Bien au contraire, j’ai eu le sentiment d’une société dans laquelle les femmes entre elles étaient souvent violentes ou en compétition. Évidemment, il ne s’agit pas de reprocher, mais de tenter de comprendre. Pourquoi ai-je écrit ces deux pièces Fyèl et Carêmes ? En Guadeloupe.

Fyèl, texte inédit et perdu d’ailleurs, était composé d’une série de tableaux joués par deux femmes. Femmes à la plage et leurs propos sur les corps d’autres femmes, propos acerbes, propos violents, blessants. Femmes dans un magasin de vêtements. Le corps à nouveau. Femmes qui se tournaient autour en s’affrontant du regard, dans un très grand silence. Femmes fielleuses que j’ai représentées pour la célébration du 08 mars 1987. Nous avons interprété ce texte toutes les deux, Roselaine Bicep et moi. Le débat qui s’en est suivi a été très violent. Beaucoup d’hommes dans l’assistance disaient à quel point cette image des relations entre femmes leur paraissait juste et l’un d’entre eux a dit cette chose terrible : « il arrive qu’une copine me parle d’une autre femme et que la violence de ses propos me mette mal à l’aise ». Je me rappelle même l’identité de l’homme qui a prononcé cette phrase. Les femmes, de leur côté étaient outrées. Non, elles ne ressemblaient pas à cela, non elles ne se détestaient pas mutuellement, la pièce ne mettait en avant qu’un seul côté des choses.

À dessein, répondais-je, à dessein.

Car nous devions nous poser la question de ce que cette société était en mesure d’imposer aux femmes tant qu’il n’y aurait pas entre elles un minimum de solidarité.

Cette question que je posais en 1987 est toujours d’actualité. Au mois de décembre 2012, en une semaine, six femmes ont été violemment frappées par leurs conjoints, quatre d’entre elles ont perdu la vie. Un groupe de femmes et d’hommes a voulu protester, et sur une population de 400 000 habitants, seules 150 personnes ont pris part à un défilé de protestation contre les violences faites aux femmes. C’est dire à quel point ce problème est secondaire lorsque l’on sait que 15 000 personnes peuvent défiler dans les rues de Pointe-à-Pitre pour la lutte contre la vie chère.

J’ai continué, avec Carêmes, à interroger le rapport entre les femmes, mais surtout à questionner les raisons pour lesquelles les souffrances imposées à l’une pouvaient se retourner contre une autre. Contre qui retourner sa colère ? Tel est le thème de Carêmes, qui met en scène deux femmes sur un calvaire, peut-être un vendredi saint, sous le regard d’un prêtre.

Aménaïde poursuit Renélia de sa vengeance : cette dernière a participé au lynchage de la mère d’Aménaïde, femme trop libre pour son petit village, femme accusée d’être un volan—un être maléfique — et brûlée dans sa petite maison après avoir été lapidée. Violent ? Irréaliste ? Non. Une histoire réelle, qui a eu lieu dans une commune en 1928. Une histoire dont se souvenait ma mère, pour y avoir assisté du haut de ses huit ans et qu’elle m’a racontée. J’ai simplement brodé sur les raisons pour lesquelles la mère avait pu déclencher les foudres du village et, m’appuyant sur une autre histoire vraie, qui elle s’était déroulée dans les années 80, j’ai créé le personnage de Renélia.

Renélia est pour moi une manière de mettre en scène une femme que je voyais tous les jours marcher le long des routes de la Basse-Terre, précisément entre Vieux-Habitants et Basse-Terre. Un jour, j’ai demandé qui était cette femme. On m’a dit qu’elle était folle. Une folie douce. Elle faisait tous les jours le trajet car elle allait s’agenouiller devant la maison de son ex-fiancé. Elle avait été institutrice et, avec ses économies, elle a fait construire une maison, en dur– par opposition à une maison en bois – qu’elle devait habiter avec l’homme qu’elle aimait. Il a sans doute, aussi participé aux dépenses. Quoi qu’il en soit, un matin, il lui a demandé de lui repasser ses vêtements et sans qu’elle le sache, il est allé se marier avec une autre, qu’il a installée dans cette maison. Cette femme a perdu la raison, de douleur. Depuis, elle s’agenouillait chaque matin devant la maison et reprenait son errance sur les routes.

Revenons à ma Renélia, qui est inspirée de cette femme. Elle, n’a pas perdu la raison mais s’est enfuie. Elle s’est retrouvée dans une autre commune et à son arrivée, une foule était en train de lapider cette autre femme. L’exutoire était tout trouvé.

« Bientôt on ne criait plus que ce mot « volan, volan, volan ! ». La rage s’emparait de nos corps, les voix résonnaient par tout mon corps, les pas sur la chaussée, les mains et les bras qui se tendaient, menaçantes. Mon bras a suivi, ma voix s’est échappée de mon corps, mes yeux se sont emplis de haine et j’ai crié avec eux. Et puis crier ne fut plus suffisant, nous l’avons attaquée, poursuivie, par les rues écrasées de soleil, les ruelles toutes blanches, nos pieds heurtaient des pierres que nous avons ramassées. Je ne la voyais plus, je ne savais plus ou où elle était mais je la recherchais avec les autres ; j’étais perdue dans les rues, je ne savais plus bien où je me trouvais mais je savais que j’extirpais de moi toute ma colère contenue. »[3]

Il arrive que les femmes retournent la violence contre elles-mêmes, ou contre une part d’elles-mêmes. C’est le cas de Monique, dans Enfouissements. C’est son corps qui parle, tout d’abord. Le corps de Monique est son ennemi. Envahissant quand elle voudrait disparaître, se réfugier dans un placard. Même enfoui, le corps refusé, rejeté, caché sous de grandes robes, le corps de Monique s’affirme, énorme, boulimique. Le corps est boulimique, pas Monique. Elle ne mange rien, elle ne boit rien, c’est son corps qui le fait à sa place. C’est son corps qui tombe enceint, qui accouche d’un enfant, une autre elle, si terriblement semblable à elle. Il ne suffit pas qu’elle existe, contre sa propre volonté, dans une haine affreuse d’elle-même, il faut encore que ce corps se reproduise, se double d’un enfant qui la renvoie à ce qu’elle voudrait fuir. Alors, il faut faire disparaître cette enfant, « une fille encore ! », comme le dit un personnage de Trames. Il faut faire disparaître cette enfant, la noyer et la laisser filer sous les eaux, emportée par le courant, la laisser filer, ne même pas tenter de rattraper ce petit corps.

Monique souffre d’être invisible, malgré l’omniprésence de son corps, ou plutôt précisément à cause de cette omniprésence.

« Épatant tout ça ils se sont précipités à mon secours Monique pour une fois ton corps serré entre des bras qui ne se moquent pas toute la foule avec toi Jeanne la première Jeanne tu donnais le la à toutes choses Jeanne penchée au-dessus de moi non accroupie dans le sable à mes côtés moi comme une poupée les jambes écartées ma chair offerte sans honte toute à sa douleur reine pleinement justifiée cette fois et non plus cette exaspération « Mais oui Monique mais pense à autre chose, fais du sport ! » cette fois moi centre moi point focal moi vide dans la spirale et tout tout autour de cet espace qu’on me porte le petit corps que je le serre contre moi et sanglote à pleins poumons « ma fille, on m’a volé ma fille » (ah bonheur !) que je la touche que cette fois son corps soit juste gorgé d’eau à cause de la mer à cause de la mer détestable et superbe qui nous nargue jusqu’à lécher le sable à nos pieds la jupe de Jeanne trempée maintenant et moi dans ses bras Non Jeanne elle ne m’a pas échappé des mains Non Jeanne elle ne m’a pas échappé des mains la phrase est à deux doigts de ton oreille et tu refuses de l’entendre.[4]

Le corps de la femme est un problème dans cette société. Valorisé par la publicité, dévalorisé quand il ne correspond pas aux canons de cette même publicité. Il n’y a là rien de nouveau. Il est juste question de se saisir de cette question et de la traiter sous divers aspects. Corps de femme libre que l’on brûle, corps de femme que l’on méprise, corps de mère qui ne séduit plus, comme celui de « La Femme au bébé » dans Trames, corps de femme vieillie et malade qui préfère se jeter à l’eau dans Camille et Justine.

En créole, pour parler de soi, on parle de son corps. On « sauve son corps », pour s’enfuir (sové kò an mwen), on dépêche son corps, pour aller plus vite (mannyé kò aw), on remue son corps, pour danser (rimé ou soukré kò), on assied son corps, on repose son corps, on lave son corps… Bref, on interagit avec son corps dans la langue. Une telle présence du corps dans la langue ne peut être totalement due au hasard quand on sait que cette langue s’est créée dans le contexte de l’esclavage où la contrainte du corps était terrible.

Je suis imprégnée de cette langue et de cette histoire et si j’utilise le français la plupart du temps pour écrire mes textes, la langue créole et le contexte créole influent sur mon rapport à la nécessité de parler du corps, pour s’en ressaisir ou pour s’en dessaisir.

Cependant, ce corps dont on parle n’est pas donné à voir. Et là, j’en viens à la structure de mes pièces et reviens à cette première expérience avec Odjibi... ou la patience a des limites.

Est-ce que je cherche à mettre le corps en mouvement, par la danse par exemple ? J’ai souvent également été la metteure en scène de mes pièces et je ne me rappelle pas – à part quelques petits pas de danse de joie dans Bâton Maréchal et un mouvement de danse dans Trames– avoir jamais pensé à introduire de la danse dans mes pièces.

Qu’avais-je gardé comme souvenir de cette première pièce Odjibi, pièce maladroite sans aucun doute, mais pleine de passion ? J’avais gardé le souvenir d’une tentative de produire une totalité : poésie, théâtre, musique, danse. Le sentiment d’avoir pris part à une fête également.

J’ai repensé à ce sentiment de fête lorsque, relisant l’ouvrage de Jean Duvignaud, intitulé Le théâtre, et après, je suis tombée sur cette phrase : « Le contraire du théâtre, ce n’est pas l’ « anti-théâtre », ni le « théâtre révolutionnaire », c’est la fête. » Quel dommage !

Il me semble qu’il y a bien longtemps que je n’ai pas eu le sentiment de participer à une fête en faisant du théâtre ou en écrivant du théâtre.

Il me semble que là où le théâtre que nous avions esquissé avec ce groupe des femmes de la Coordination des Femmes Noires, rejoignait le mouvement féministe du moment, c’était dans ce goût de la fête, d’un spectaculaire contestataire et festif, qui a disparu de l’écriture.

L’un des aspects essentiels de la fête, c’est le collectif.

Lorsque nous avons écrit Odjibi, nous sommes parties de nos cultures respectives, nous sommes parties de l’idée d’une communication entre nous et avec le public. Nous allions jouer cette pièce dans le cadre d’une journée organisée au Bataclan, en vue de la création d’une Maison des Femmes Noires à Paris.

D’autres groupes étaient invités : des groupes de musique essentiellement, Gwo Ka, avec Guy Konkèt (un maître du tambour de la Guadeloupe), des groupes de Reggae venus de Londres et d’autres encore, dont j’ai perdu la mémoire.

Ce serait une fête, on y mangerait, on y boirait, les gens se déplaceraient comme ils le souhaiteraient, personne ne serait tenu de rester assis dans un fauteuil, dans un silence religieux. Et nous l'avons fait ! La fête était là et elle contaminait aussi notre prestation. Cela, je l’ai perdu. Jusqu’à ce jour où j’ai monté Confusion d’instants, dans une cité, entre quatre immeubles, de façon à ce que même ceux qui ne descendraient pas de chez eux, voient la pièce. Le décor était fait de nasses de pêcheur, un grillage transparent qui laissait voir ce qui se passait de part en part, des spectateurs placés en bi-frontal, se voyant à travers le décor, en sorte que les personnages semblent eux-mêmes faire partie du public, que les enfants se déplaçaient en riant, des jeunes étaient appuyés contre des arbres en ayant l’air de ne pas vouloir se mêler de tout cela, certains spectateurs quittaient leur siège pour aller de l’autre côté voir si la perspective changeait selon que l’on se trouve « à cour » ou « à jardin », les spectateurs – comme au guignol – essayaient d’avertir Mimilie lorsque Malonga venait lui chiper son électroménager. Les habitants de la cité participaient à l’opération : ils ont placé les chaises dans l’herbe, au milieu de leur cité, nettoyée pour l’occasion, herbes coupées, canettes ramassées, ils ont mis à notre disposition un appartement vide pour nous changer – tout un appartement comme loges ! - , ils ont défendu ce théâtre-là, qui venait chez eux, à la radio, à la télévision, ils ont donné des interviews, mais surtout, une fois que le théâtre a commencé, ils ont été là, heureux et gais, et puis la fête a continué une fois que la pièce était terminée, car le théâtre était une fête.

Ce que j’avais aimé dans notre première mise en scène, d’un rapport entre la communauté et le théâtre, je l’ai retrouvé là. Renouer avec la fête, se débarrasser de cette idée de séparation sacrée. C’est peut-être vers cette direction que j’ai désormais envie d’aller.

(écrit en janvier 2013)

[1]Noemia de Souza - Anthologie Négro-africains de Lilyan Kesteloot – page 401

[2]Lettres indiennes. Neuvième tableau

[3]Carêmes, Deuxième tableau

[4]Enfouissements. Quatrième tableau


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